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Les Tunisiens votent pour une constitution très critiqué



Les Tunisiens ont voté lundi une nouvelle constitution très critiquée qui renforce le président Keith Saeed, risquant de rendre le berceau du printemps arabe à un régime autoritaire.

La Tunisie est confrontée à de graves difficultés économiques, exacerbées par le Covid-19 et la guerre en Ukraine, dont elle dépend des importations de blé, et est également polarisée depuis que le président a pris tout le pouvoir il y a un an en arguant de l'ingouvernabilité du pays.


La participation était le principal enjeu du référendum, les partisans étant susceptibles de gagner, et les principaux partis d'opposition, dont le mouvement d'inspiration islamiste Ennahdha, ont appelé leurs électeurs à s'abstenir.

Le lundi est un jour férié et de nombreux Tunisiens ont déjà emprunté le pont. Le président de l'Autorité électorale (Isie), Farouk Bouasker, a déclaré que 13,6% des 9,3 millions d'électeurs inscrits, soit exactement 1,213 million, avaient voté à 14h30 GMT.

"L'affluence augmentait le matin mais diminuait pendant les siestes", a-t-il dit, ajoutant qu'il s'attendait à "une augmentation significative, notamment chez les jeunes qui aiment venir en fin de journée".

Le porte-parole de l'Isie, Mansri Tlili, a déclaré à l'AFP que les premiers résultats étaient attendus "mardi après-midi".

Lundi matin, la foule était plus nombreuse que prévu, selon un journaliste de l'AFP.

- "Tout est catastrophique" -

"Nous avons de grands espoirs pour le 25 juillet. La Tunisie va prospérer à partir d'aujourd'hui", a déclaré à l'AFP Imed Hezzi, un serveur de 57 ans, en montrant le doigt A à l'encre bleue.

La retraitée Mongia Aouanallah, 62 ans, attend "une vie meilleure pour les enfants de nos enfants" car "tout est catastrophique".

Après le vote, le président a appelé à la ratification de sa constitution pour "établir une nouvelle république fondée sur la vraie liberté, la vraie justice et la dignité nationale". Ennahdha a dénoncé la déclaration qui pourrait guider le vote, représentant "une conduite frauduleuse lors du référendum".

La nouvelle loi fondamentale controversée, mise en place par le président Saïd, donne au chef de l'Etat des pouvoirs énormes, brisant le système parlementaire en place depuis 2014.

Le président nomme les chefs de gouvernement et les ministres et peut les renvoyer comme bon lui semble. Il peut soumettre des textes législatifs "prioritaires" au parlement. La seconde chambre représentera les régions en contrepartie du congrès en cours (délégués).

L'opposition et de nombreuses ONG ont dénoncé la constitution "sur mesure" pour Saïd et le risque d'une dérive autoritaire d'un président qui n'a de comptes à rendre à personne.

Sadok Belaïd, un juriste nommé par M. Saeed pour rédiger la nouvelle constitution, a rejeté le texte final, arguant qu'il pourrait "ouvrir la voie à des dictatures".

- "Tous Les pouvoirs" -

L'opposition a appelé au boycott du scrutin, invoquant des "procédures illégales" sans concertation.

Le président Saeed a une personnalité complexe et a exercé le pouvoir de manière de plus en plus solitaire au cours de l'année écoulée.

L'homme de 64 ans estime que sa refonte de la constitution est une extension de la "correction de cap" lancée le 25 juillet 2021, lorsqu'il a limogé son Premier ministre et gelé le Parlement, invoquant des obstacles politiques et économiques, avant de dissoudre le Parlement. La seule démocratie qui a émergé pendant le printemps arabe.

Saïd Benabia, directeur régional de la Cour internationale de justice à la Commission internationale des juristes, a déclaré lundi à l'AFP que le nouveau texte "donnait au président la quasi-totalité des pouvoirs et démantelait tous les systèmes et institutions qui pouvaient le contrôler". Elle lui donne "plus de pouvoirs que la constitution de 1959", rédigée par Habib Bourguiba, en supprimant la séparation des pouvoirs et "les pouvoirs judiciaires subordonnés à l'exécutif".

"Il n'y a pas de garde-fous pour protéger les Tunisiens d'une agression similaire à celle de Ben Ali", selon M. Benabia, qui croit fermement que la nouvelle constitution "codifie une autocratie".

Pour l'analyste Youssef Cherif, l'espace libre est toujours garanti, mais la question d'un retour à une dictature semblable à l'ancien dictateur de Zine el Abidine Ben Ali pourrait venir "après Kais Saied".

Pour la majorité de la population, les priorités sont ailleurs : croissance lente (environ 3 %), chômage élevé (près de 40 % de jeunes), inflation galopante et augmentation du nombre de pauvres à 4 millions.

La Tunisie est au bord du défaut, avec une dette dépassant 100% du PIB, la négociation d'un nouveau prêt avec le FMI, qui a une forte probabilité d'être approuvé, mais exige des sacrifices en retour (notamment la réduction des subventions pour les produits de base), conduit facilement à troubles sociaux.


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